Retour à Howards End : Une histoire humaine indémodable, un classique à revisiter
25 ans après la version cinématographique qui valut à Emma Thompson un Oscar, Howards End – roman classique d’EM Foster – est de nouveau porté à l’écran, cette fois-ci sous la forme d’une minisérie en 4 épisodes pour BBC One.
4 épisodes signés Kenneth Lonergan (Manchester By the Sea) pour explorer l’histoire de trois familles issues de classes sociales différentes dans l’Angleterre Édouardienne. L’œuvre de Foster, considéré comme son chef d’œuvre, se frotte aux conventions sociales, aux codes de conduites et aux dynamiques humaines de cette période – qui sont, en vérité, toujours les mêmes de nos jours.
Howards End est focalisée sur les sœurs Schlegel, d’origines allemandes. Leur famille appartient à la bourgeoisie intellectuelle, à cette classe moyenne attirée par les arts et la culture. Margaret (incarnée par Hayley Atwell) est l’ainée de trois enfants qui a choisi de s’occuper de ses proches au détriment de sa vie sentimentale. Elle possède une relation soudée avec sa sœur Helen (Philippa Coulthard) ainsi qu’avec son frère Tibby (Alex Lawther). Ils vivent tous avec leur tante Juliet (Tracey Ullman).
Plus que tout, Margaret est présentée comme une femme honnête et compassionnelle, qui allie ainsi cœur et esprit lorsqu’elle doit prendre des décisions. Hayley Atwell donne corps à une femme intellectuelle non dénuée d’assurance qui connait sa place dans le monde et cherche le bien dans ceux qu’elle rencontre. On pourrait la décrire comme presque parfaite, mais l’actrice s’assure dans ses mouvements et ses intonations d’éviter de faire de Margaret un personnage idéalisé.
Elle incarne surtout le besoin vital de communication et de compréhension, là où sa sœur cadette se laisse trop guider par son esprit indépendant et libéral qui ne réalise pas pleinement les avantages qu’elle possède. Coulthard retranscrit à merveille une certaine forme d’immaturité, la nature plus poétique et romanisée d’une jeune femme dont les actions vont avoir de graves conséquences pour autrui – principalement le couple Bast qui se trouve en bas de l’échelle sociale.
S’il occupe le moins de temps de présence, il joue un rôle important pour le déroulement de l’histoire. Leonard Bast pousse à mieux confronter le rapport financier qui existe entre les gens et la difficulté de surmonter les circonstances de vie, cherchant tant bien que mal à s’en sortir tout en restant fidèle à ses valeurs.
Face aux Schlegel existent surtout les Wilcox, famille riche menée par Henry, homme pragmatique et quelque peu matérialiste, représentation classique de la classe supérieure anglaise qui occupe une position privilégiée et qui tend à se placer au-dessus des autres.
Pour autant, ce qui aurait pu être un rôle assez ingrat – Henry n’est pas le plus sympathique des hommes dans ses idées et ses convictions – se transforme en une étude des mœurs touchante. La performance de Matthew Macfadyen laisse entrevoir les fissures dans ce personnage guindé, nous menant inexorablement vers une conclusion inévitable pour ce dernier.
Œuvre observatrice sur la nature humaine et les différences sociales, Howards End repose donc avant tout sur ses dialogues et la performance de ses acteurs en charge de donner vie au texte. Le timing est généralement parfait, offrant à chaque personnage la place liée à son statut pour que l’on puisse autant saisir la hiérarchie que le type de personne à qui ont à affaire. Mention spéciale à Alex Lawther dans la peau de Tibby, le frère des sœurs Schlegel apportant un soupçon d’humour et d’excentricité bienvenue nous ancrant en même temps dans la période historique à laquelle l’action se déroule.
La caméra de Hettie McDonald fait plus que justice aux interprétations et au scénario, sachant comment nous immerger dans les différents lieux pour que l’on puisse sentir la vie qui s’y dégage et l’attachement que les personnages peuvent ressentir ou non. À travers ces trois familles, Howards End nous offre une représentation vivide de ce qu’avoir une maison (et la perdre) signifie.
La série est traversée par des plans que l’on pourrait qualifier de modestes, mais sachant mettre en valeur les acteurs, les costumes, les décors et la nature environnante. En somme, les images reflètent avant tout l’état d’esprit de ses personnages comme il se doit.
Au sein de ces 4 épisodes, Howards End redonne ainsi vie à un classique littéraire britannique qui n’a rien perdu de son intérêt grâce à son regard sur les rapports sociaux, les conventions qui les gouvernent et séparent les classes. Le tout est magnifiquement interprété et mis en valeur par une réalisation sobre, mais inspirée qui nous immerge dans cette histoire humaine d’un bout à l’autre.
Source : Critictoo du 30/11/18 par Carole